REGARD SUR LA FORME. ALFRED LATOUR. 27 avril – 06 octobre 2024. Musée Réattu, Arles – France

Regard sur la forme présente l’œuvre et les recherches menées entre 1928 et 1964 par Alfred Latour, membre de l’Union des artistes modernes, dans deux de ses médiums de prédilection : la photographie et le dessin pour imprimés textiles. On y découvre l’imbrication subtile des médiums, comment le motif d’un imprimé pensé pour la mode trouve sa source dans le regard du photographe, comment les natures mortes photographiées inspirent un dessin au crayon et donnent naissance aux structures complexes et répétitives qu’impose l’impression au cadre plat. Tous ces gestes trouvent une origine dans la parfaite maîtrise de la gravure, de la bichromie, de l’espace de la planche, de la répétition du motif et du génie graphique. À l’époque de ses recherches, la photographie et le design textile n’avaient pas le statut qui leur est accordé aujourd’hui. Alfred Latour innove et s’inscrit dans une mouvance moderne, celle des « formes utiles » : il impose la reconnaissance esthétique de ces disciplines ; revendication qui culminera avec la production des Toiles de Fontenay (1948-1952), imprimées en multiples exemplaires et élevées au statut de tentures murales, avec la même qualité et reconnaissance décorative qu’une peinture, qu’une gravure ou qu’une affiche. Au-delà de l’interaction et de la diversité des techniques, on comprend que le talent de Latour s’exprime de façon singulière dans chacune d’elles, composant une œuvre plurielle et cohérente.

Le parcours de l’exposition repose sur un dialogue fructueux entre ces deux pratiques artistiques, montrant comment l’artiste a pu passer d’un médium à l’autre, alimentant son regard et son goût pour les formes et la ligne. L’art d’Alfred Latour est marqué par une grande maîtrise du trait, quel que soit les supports et les modes d’expression qu’il emploie. L’exposition propose une approche thématique à partir des formes qu’il donne à voir entre les clichés et les maquettes ou les étoffes. Quatre thèmes ont été retenus pour confronter les photographies et les œuvres textiles, témoignages d’une pratique artistique moderne où le peintre peut passer d’une technique à une autre, d’une forme à une autre dans une approche complémentaire. Ce dialogue permet de mieux comprendre comment l’artiste a pratiqué, dès 1920, la photographie comme un carnet de notes. Ces photographies sont restées dans l’atelier du peintre, elles n’ont pas été publiées ni exposées de son vivant. Alfred Latour n’est pas un photographe anonyme mais bien un peintre pratiquant la photographie. Ignorées du public, ces photographies n’ont pu de son vivant être comparées à ses créations de motifs pour le textile alors que de nombreux articles soulignent les liens qui unissent son œuvre typographique et d’illustrateur de livres avec ses dessins pour le textile.

Ses maquettes pour l’industrie textile et leur déclinaison imprimée sur étoffes relèvent d’une approche complémentaire : il invente des formes d’une grande modernité qui ont vocation à être reproduites. Alors que ces photographies reflètent une pratique intime de l’artiste, une expérience artistique cultivée comme un jardin secret, les textiles sont le résultat de son goût pour un graphisme pratiqué en artiste qui doit travailler pour gagner sa vie. Derrières ces formes qu’elles soient photographiques ou imprimées, se dessine une œuvre d’une grande modernité. Cette exposition est née d’une volonté partagée entre le musée Réattu d’Arles et le musée des Tissus et des Arts décoratifs de Lyon de faire dialoguer une part méconnue de l’œuvre d’Alfred Latour, ses photographies, avec son activité de créateur de motifs pour l’industrie textile. Ces deux institutions conservent dans leurs collections des fonds de l’artiste et ont vocation à recevoir d’autres œuvres. En rejoignant les collections publiques des musées français, ses œuvres textiles et photographiques ont pu être présentées au public. Le musée des Tissus et des Arts décoratifs de Lyon conserve près de trois cents pièces, gouache et textile, témoin du travail de l’artiste pour l’industrie textile lyonnaise, à partir de 1929. Si le musée Réattu a déjà exposé le fonds photographique en 2018, les liens entre l’institution et Alfred Latour résonnent aujourd’hui avec encore plus de force.